Les maladies de l'hémostase
INTRODUCTION
L’hémostase (mot dérivé du grec, de haima « sang » et de stasis « action de se tenir ») regroupe l’ensemble des processus mis en jeu au décours d’une blessure vasculaire et permettant l’arrêt des saignements.
Ces processus peuvent être mis en défaut ou déficitaires chez certains patients, qui peuvent présenter soit une maladie constitutionnelle (ou génétique) de l’hémostase, soit une maladie acquise affectant une ou plusieurs étapes de l’hémostase normale.
Les maladies de l’hémostase peuvent affecter l’hémostase « primaire » (ou initiale) qui implique les plaquettes et plusieurs protéines du plasma, notamment le facteur Willebrand et le fibrinogène.
Ces maladies touchent aussi fréquemment la coagulation, qui permet normalement après une blessure vasculaire la transformation du plasma, qui est liquide, en un réseau très solide et hémostatique (arrêtant le saignement) en impliquant de nombreuses protéines sanguines appelées « facteurs de la coagulation ».
La coagulation normale est régulée par des inhibiteurs, protéines qui empêchent chez le sujet sain la formation de caillots en l’absence de lésion vasculaire. En cas de déficit en inhibiteur de la coagulation, le risque de thrombose veineuse peut être majoré dans certaines circonstances.
MALADIES DE L’HÉMOSTASE LES PLUS FRÉQUENTES
Les thrombopénies
Elles correspondent à une diminution du nombre de plaquettes circulantes qui si elle est importante, expose à des saignements spontanés cutanés (avec un purpura) et muqueux associés parfois à des hémorragies graves. Elles peuvent être dues à des causes très variées, notamment des médicaments, mais la plus fréquente chez l’enfant et l’adulte est immunologique avec des anticorps qui se fixent aux plaquettes et accélèrent leur élimination du sang.
Elles peuvent aussi être constitutionnelles (présentes depuis la naissance) et alors parfois associées à d’autres manifestations cliniques.
SFH : https://sfh.hematologie.net/
CRPP : https://maladies-plaquettes.org/
Les thrombopathies
Elles sont caractérisées par des anomalies, parfois sévères, de la fonction des plaquettes. Elles sont parfois associés à une thrombopénie et à des saignements surtout cutanés et muqueux. Elles sont le plus souvent acquises dues à des médicaments (qui sont très nombreux à modifier le fonctionnement normal des plaquettes) ou plus rarement à une maladie sous-jacente, hématologique ou d’une autre origine.
Elles peuvent être constitutionnelles, et dans ce cas, le diagnostic est souvent évoqué dès l’enfance. La thrombopathie constitutionnelle la plus fréquente est la thrombasthénie de Glanzmann qui affecte filles et garçons et dans un cas sur deux en France les gens du voyage (ou manouches).
CRPP : https://maladies-plaquettes.org/
SFH : https://sfh.hematologie.net/
La maladie de Willebrand
Décrite par le Dr Willebrand, médecin Finlandais, cette maladie relativement fréquente associe dans sa forme la plus classique un déficit de l’interaction des plaquettes avec la paroi des vaisseaux lésés ; elle est due au déficit d’une grosse protéine adhésive, le facteur Willebrand. De plus, le facteur Willebrand transportant et protégeant le facteur VIII, essentiel à une coagulation normale, une maladie de Willebrand peut entrainer aussi un déficit en FVIII.
Cette maladie est très hétérogène, notamment sur le plan génétique, biologique et clinique et entraine chez les sujets atteints (garçons ou filles) des saignements muqueux et cutanés, et plus rarement des hématomes.
CRMW: http://crmw.fr/
L’hémophilie
Cette maladie de la coagulation est sans doute la plus connue. Elle résulte d’un déficit de l’un des facteurs clés de la coagulation, soit le facteur VIII (et l’on parle alors d’hémophilie A), soit le facteur IX (hémophilie B, plus rare).
Elle touche essentiellement les garçons et dans sa forme la plus sévère (quand le taux de facteur est effondré inférieur à 1%) elle entraine des saignements articulaires pouvant conduire à des séquelles graves si leur survenue n’est pas prévenue, et à des hématomes profonds parfois sévères.
Chez le sujet âgé, homme ou femme, l’hémophilie peut être acquise et le plus souvent due à un anticorps qui neutralise l’action du facteur VIII.
CRH : https://www.hemophilie-crh.fr/
Les autres déficits de la coagulation
Les déficits constitutionnels de la coagulation autres que l’hémophilie sont beaucoup plus rares, mais ils peuvent toucher quasiment tous les facteurs jouant un rôle hémostatique. Certains sont asymptomatiques n’entrainant donc aucun risque chez les patients atteints (c’est le cas du déficit en facteur XII), les autres sont associés à des saignements de gravité variable, ou plus rarement à des thromboses.
Les déficits acquis de la coagulation sont beaucoup plus fréquents, résultant souvent d’une insuffisance hépatique (le foie produisant quasiment toutes les protéines de la coagulation), ou d’une activation anormale, exagérée de la coagulation, lors de certaines maladies (une infection sévère par exemple, ou un cancer disséminé…), que l’on appelle CIVD pour « coagulation intravasculaire disséminée ».
Les thromboses veineuses et artérielles – Le concept de « thrombophilie »
Lorsque l’hémostase est activée de façon exagérée ou anormale, des thromboses peuvent survenir dans le réseau veineux ou dans les artères.
Dans les veines, la coagulation joue un rôle essentiel dans leur survenue, expliquant que les anticoagulants soient le traitement de choix des thromboses veineuses (ou phlébites), qui peuvent être favorisées par un déficit de l’une des protéines jouant un rôle inhibiteur.
Ces protéines sont l’antithrombine, la protéine C et la protéine S, et leurs taux ainsi que leurs activités peuvent être mesurés au laboratoire. Ces déficits en inhibiteurs sont souvent d’origine génétique et donc associés à une histoire familiale de thromboses. Il définissent donc ce que l’on appelle une « thrombophilie » constitutionnelle.
Les thromboses artérielles touchent préférentiellement les coronaires, les artères cérébrales, et les artères des membres inférieurs. Favorisés par l’athérosclérose et différents facteurs de risque (HTA, tabagisme, hypercholestérolémie notamment), elles impliquent les plaquettes qui sont donc une cible privilégiée pour des médicaments prévenant ces thromboses.
CRH : https://www.hemophilie-crh.fr/
PRINCIPALES THÉRAPEUTIQUES EN HÉMOSTASE
Les médicaments hémostatiques (qui activent l’hémostase)
Les médicaments hémostatiques seront utilisés chez les patients avec des saignements ou des risques de saignement. Ils appartiennent à plusieurs classes et ont bénéficié ces dernières années de progrès considérables grâce à l’essor des biotechnologies:
- Ils peuvent agir localement. C’est le cas des colles biologiques très utilisées en chirurgie.
- Ils peuvent agir en limitant spécifiquement la destruction (ou la lyse) des caillots et sont alors désignés comme étant des antifibrinolytiques. Le plus utilisé est l’acide tranexamique commercialisé sous le nom d’Exacyl.
- Ils peuvent exercer une action procoagulante comme la desmopressine qui permet d’augmenter les taux circulants de facteur VIII et de facteur Willebrand chez un grand nombre de patients avec un déficit en l’une et/ou l’autre de ces protéines de l’hémostase.
- La vitamine K, permet de corriger l’hémostase d’un patient traité par un AVK (antagoniste de la vitamine K) qui saigne ou a besoin d’une chirurgie urgente. Elle est utilisée aussi en cas de carence en vitamine K, heureusement plus rare aujourd’hui. En cas d’hémorragie sévère, le PPSB, fraction du plasma contenant 4 protéines de la coagulation dont la synthèse par le foie est anormale sans vitamine K active, permet après injection intraveineuse de corriger immédiatement le déficit.
- Un autre médicament, issu du génie génétique, est un facteur VII activé recombinant (appelé NovoSeven) qui active puissamment la coagulation. Efficace chez l’hémophile ayant développé un anticorps inhibant l’effet du facteur VIII injecté, il est utilisable aussi dans certaines maladies plaquettaires comme la thrombasthénie de Glanzmann.
- Les traitements substitutifs permettent quant à eux de corriger spécifiquement le déficit de coagulation présenté par le patient, en lui injectant par voie intraveineuse la protéine manquante, qui peut être extraite du plasma ou recombinante et alors produite par une lignée cellulaire développée dans ce but. Cette approche a été largement appliquée aux patients hémophiles, avec des médicaments aujourd’hui très efficaces et n’exposant à aucun risque infectieux documenté. Toutefois, persiste le risque chez l’hémophile sévère de voir apparaitre un anticorps anti-facteur VIII qui inhibe totalement l’action hémostatique du traitement substitutif.
- L’emicizumab (Hemlibra) est un anticorps thérapeutique injecté par voie sous-cutanée, et qui mime partiellement les actions du facteur VIII. Il est donc aujourd’hui largement prescrit chez les hémophiles sévères dans les pays occidentaux et notamment la France.
Les médicaments antithrombotiques
Cette classe thérapeutique a beaucoup évolué aussi ces dernières années.
On distingue les agents antiplaquettaires d’une part, et les anticoagulants d’autre part. Les fibrinolytiques sont de moins en moins utilisés et uniquement en milieu hospitalier dans des services spécialisés (en cardiologie surtout).
Parmi les antiplaquettaires aujourd’hui prescrits dans la prévention des thromboses artérielles, certains inhibent l’activation des plaquettes en neutralisant une enzyme (c’est ce que fait l’aspirine), ou en empêchant la fixation sur la cellule d’une molécule activatrice essentielle, l’ADP. C’est ainsi qu’agissent le clopidogrel et le prasugrel. Le ticagrelor et le cangrelor (antiplaquettaire injectable et d’action très rapide) empêche la transmission du signal résultant de la fixation de l’ADP aux plaquettes.
D’autres antiplaquettaires, comme le tirofiban, agissent en empêchant directement la formation des agrégats plaquettaires, mais ne sont utilisés que rarement en milieu hospitalier et par voie intraveineuse.
Les médicaments anticoagulants sont divisés en deux groupes :
Les anticoagulants oraux avec les antagonistes de la vitamine K (ou AVK) et les anticoagulants oraux directs ou (AOD), et les anticoagulants injectables, avec les héparines de bas poids moléculaire qui sont de très loin les plus utilisées.
Les anticoagulants oraux :
Les AVK comme leur nom l’indique, empêchent la vitamine K d’exercer son rôle et donc nuisent par conséquent à la synthèse normale de 4 protéines activatrices de la coagulation. Cet effet explique l’allongement du temps de Quick (exprimé en INR). La mesure de l’INR est nécessaire au suivi des patients traités car l’effet anticoagulant de l’AVK est retardé (nécessite plusieurs jours), et est très variable d’un sujet à l’autre et dans le temps pour un individu donné. De plus, les AVK interagissent avec de nombreux médicaments.
Les AOD incluent deux inhibiteurs directs du facteur X activé, et un antagoniste de la thrombine. Ils se donnent par voie orale, et en une ou deux prises par jour. Ils exercent un effet anticoagulant immédiat et plus stable d’un patient à un autre, ce qui explique qu’une surveillance biologique ne soit pas nécessaire dans la très grande majorité des cas.
Les anticoagulants injectables :
Les héparines extraites de tissus animaux sont des médicaments injectables ; ils s’administrent par voie intraveineuse pour l’héparine non fractionnée (HNF), ou sous-cutanée pour les héparines de bas poids moléculaire, ou HBPM. L’HNF peut aussi être injectée en sous-cutanée, mais elle est plus contraignante à utiliser avec un risque iatrogène plus grand (thrombopénies avec thromboses plus fréquentes). A doses curatives, une surveillance biologique stricte et régulière est donc indispensable.
Les HBPM sont donc le plus souvent préférées à l’HNF si un traitement parentéral est indiqué.
Le fondaparinux, est un médicament de synthèse dont le mode d’action est apparenté à celui des héparines. Il est administré par voie sous-cutanée, inhibe sélectivement le facteur X activé de la coagulation, mais il est facilement accumulé en cas d’insuffisance rénale. L’emploi d’un AOD anti-Xa plus maniable et sur, est donc souvent préféré.